Marine et rigueur budgétaire : Eviter l'effet Mikado
La frégate de défense aérienne Chevalier Paul crédits : MARINE NATIONALE |
28/05/2010
Après trois « belles » années, où le budget du ministère de la Défense française était en progression, l'heure est aux économies. Comme le pressentaient militaires et industriels l'an dernier, le maintien des efforts d'investissements de l'Etat durant la crise (renforcé par une enveloppe de 2 milliards d'euros dans le cadre du plan de relance), destinés à soutenir un secteur pourvoyeur de nombreux emplois, devrait être suivi d'une période de recadrage. Le déficit budgétaire de la France a, en effet, atteint des sommets et les difficultés de la Grèce poussent Paris, comme ses partenaires européens, à adopter une politique de rigueur (même si le terme n'est pas employé en France). Présent à bord du porte-hélicoptères Jeanne d'Arc vendredi dernier, Hervé Morin a été très clair : le ministère de la Défense sera, comme les autres, concerné par la lutte contre les déficits publics. « Nos compatriotes ne comprendraient pas que nous ne fassions pas un effort », a-t-il déclaré. Dans le cadre de la réduction des déficits, l'Hôtel de Brienne a reçu, comme l'ensemble des ministères, une lettre de cadrage, qui sera suivie d'une lettre de plafond de crédits. Pour l'heure, aucun chiffre n'a été avancé par Hervé Morin. « Nous l'examinons. L'exercice consiste à concilier les ambitions du Livre Blanc et les efforts des armées au redressement des comptes publics », a expliqué le ministre, qui n'apprécie manifestement pas le terme « variable d'ajustement » pour qualifier les coupes qui seront sans doute opérées dans le budget de la Défense afin de réduire les déficits.
Super Etendard avec un avion ravitailleur (© : MARINE NATIONALE)
Vers une nouvelle guerre de tranchées entre les armées ?
Le ministre estime que les armées tricolores doivent « conserver (leurs) capacités » car « l'outil de défense touche, sur le long terme, à la souveraineté » et à l'existence même de la France comme grande puissance. Seulement voilà, au-delà des ambitions, il faut faire face à une réalité budgétaire et donc à des choix, qui s'annoncent difficiles. Indiquant que le cap serait « fixé par le président de la République », Hervé Morin n'a donné aucune précision. Questionné par la rédaction de Mer et Marine sur d'éventuelles menaces sur les grands programmes, comme Barracuda (sous-marins) et FREMM (frégates), le ministre a simplement répondu : « Bien sûr qu'ils pourront être maintenus ! ». Maintenus certes, mais dans leur format actuel ? Pas de réponse...
Une fois de plus, les marins vont sans doute devoir se battre pour conforter des programmes considérés comme « vitaux » pour assurer les missions de la flotte française, à commencer par la dissuasion nucléaire et la projection de puissance. Mais ils ne seront pas les seuls à monter au front et, à ce jeu là, le match se jouera sans doute à couteaux tirés avec l'armée de l'Air et l'armée de Terre. Alors que la première défend ses Rafale, ses A400 M ou encore ses ravitailleurs, la seconde éprouve un besoin urgent de renouveler ses équipements, notamment en véhicules et en hélicoptères.
Hélicoptère Tigre sur le Mistral (© : MARINE NATIONALE)
Etalement de programmes et réduction des cibles
Comme à chaque période de choix budgétaires, des concessions devront sans doute être effectuées par chacun. Généralement, la recette est toujours la même : Etalement des programmes et/ou réduction de cibles, c'est-à-dire diminution du nombre d'unités réalisées. La première solution, à laquelle l'Etat a pratiquement systématiquement recours, n'a qu'un seul « avantage » : reporter à plus tard les dépenses. Mais il ne s'agit là que d'une mesure à court terme car, dans les faits, elle se traduit toujours par des surcoûts significatifs. L'étalement des programmes dans le temps entraine, ainsi, une augmentation du prix unitaire des équipements, sans compter les surcoûts liés au maintien en service d'unités vieillissantes (voire hors d'âge) nécessitant toujours plus d'entretien et de réparations. Les finances publiques se privent, de plus, des gains générés par la mise en service rapide de nouveaux matériels optimisés. Pour la marine, outre la maintenance réduite, les nouvelles plateformes, grâce à une automatisation poussée, permettent de diminuer significativement les équipages, qui représentent actuellement 40% du coût de fonctionnement d'un navire.
L'Aquitaine, tête de série du programme FREMM (© : DCNS)
La réduction des formats d'origine constitue, elle aussi, la « vrai fausse bonne idée ». Car, là encore, les surcoûts sont importants. Le dernier exemple en date concerne FREMM. Fin 2005, ce programme était annoncé à 6.5 milliards d'euros pour 17 frégates. Après une réduction de la cible à seulement 11 unités et une baisse de la cadence de production, la facture finale est, aujourd'hui, estimée à 7.8 milliards d'euros selon les chiffres du ministère de la Défense ! Certes, la série comprendra deux bâtiments en version antiaérienne (FREDA), non prévus à l'origine. Mais les modifications nécessaires à ces deux navires (adaptation du système de combat, radar plus puissant et embarquement de missiles Aster 30) ne justifient pas un tel écart de prix. C'est bien la réduction des gains liés à l'effet de série et à une cadence de production élevée qui aboutira à une note encore plus salée pour le contribuable. Et, les 9 avisos n'étant finalement pas remplacés par des FREMM, il faudra, de plus, financer une nouvelle série de patrouilleurs hauturiers, qui viendront encore alourdir le poids économique d'une décision parfaitement contreproductive à long terme.
Avions du groupe aérien embarqué (© : MARINE NATIONALE)
Une flotte déjà rationalisée
Dans la perspective d'une éventuelle réduction d'unités sur les nouveaux programmes, la marine n'est malheureusement plus très riche et ses marges de manoeuvre sont des plus limitées. Ces 15 dernière années, la Rue Royale a eu la bonne (ou la mauvaise) idée de rationaliser fortement ses moyens. A tous les niveaux, les effectifs ont été considérablement réduits. La marine ne compte plus que 2 bases navales principales en métropole (Toulon et Brest) et 6 bases d'aéronautique navale, desquelles il faudra soustraire Nîmes-Garons, qui doit fermer l'an prochain. L'exemple de l'aéronautique navale, avec seulement 6700 hommes pour une flotte de 211 aéronefs, illustre parfaitement cette politique, qui voit l'institution parvenir à remplir ses missions avec un minimum de moyens. Ainsi, le parc de Rafale Marine, qui devait initialement comprendre plus de 80 avions, n'est plus fixé aujourd'hui qu'à 60 appareils, juste de quoi assurer un groupe aérien embarqué tout en prenant en compte les missions de formation, les périodes de maintenance et les pertes éventuelles. De même, les Lynx et Super Frelon, au nombre de 41 en 2004, ne seront remplacés que par 27 HH90 pour assurer les missions de lutte anti-sous-marine et antinavire, le transport opérationnel et le sauvetage en mer.
Sous-marin du type Rubis (© : MARINE NATIONALE)
Il en est de même pour la flotte sous-marine, réduite de 6 à 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins après la chute du mur de Berlin et à 6 sous-marins d'attaque (contre 16 en 1989 et 10 en 1996). La flotte de surface n'a pas été épargnée, passant de 44 porte-avions, croiseurs, frégates, avisos-escorteurs et avisos à 34 unités, ou plutôt 25 car les 9 avisos ont été reclassés en patrouilleurs. Quant à la composante aéronavale, elle attend toujours le feu vert pour la construction d'un second porte-avions, seul moyen d'assurer une disponibilité permanente du groupe aéronaval à la mer. Bien qu'il s'agisse du seul outil permettant de projeter un groupe aérien n'importe où dans le monde en un temps très bref et que son coût demeure objectivement faible (2.5 à 3 milliards d'euros sur 7 ans) au regard des dépenses d'équipements du ministère (plus de 15 milliards d'euros chaque année), la construction du bâtiment, hautement symbolique, demeure en suspens.
Groupe aéronaval (© : MARINE NATIONALE)
« La France sans une grande marine ne saurait rester la France »
Et pourtant, les enjeux maritimes n'ont jamais été aussi importants. Alors que plus de 70% du commerce français passe par la mer (dont la totalité des approvisionnements pétroliers), les menaces sur les lignes de communication maritimes se démultiplient. Il y a le terrorisme et la très médiatique piraterie, dont les Français n'ont sans doute pas encore saisi l'ensemble des enjeux. Au-delà de simples prises d'otages, c'est l'économie elle-même qui est directement touchée. La piraterie engendre, en effet, d'importants surcoûts pour les armateurs (assurances, primes, financement d'équipes de protection embarquées) qui peuvent fragiliser le modèle économique des entreprises mais, surtout, sont répercutées sur le prix du transport maritime et, in fine, sur le consommateur et le fameux « panier de la ménagère ». Pour l'heure, l'impact a pu être limité, notamment parce que la baisse du prix du pétrole durant la crise a permis aux compagnies de générer des économies, voire d'effectuer de grands détours pour éviter les zones à risque. Ce contexte ne durera toutefois pas et le renforcement des moyens navals en océan Indien, en attendant que la vraie solution (qui passe par une restauration d'un Etat de droit en Somalie) soit trouvée, constitue la seule parade efficace.
Escorte dans le golfe d'Aden (© : MARINE NATIONALE)
Il y a toutefois plus grave. Même si leurs attaques se démultiplient, les pirates ne sont pas en mesure d'interrompre le trafic maritime. En revanche, l'éclatement de crise, notamment dans la région du golfe Persique, peut aboutir à cette situation, dont les conséquences seraient catastrophiques pour l'économie européenne. Miner le détroit d'Ormuz, par exemple, suffirait à provoquer rapidement une pénurie d'essence. Pour éviter cela, les capacités d'intervention aéronavales sont essentielles, ne serait-ce que pour l'effet de dissuasion qu'elles offrent.
De manière générale, on notera aussi que les théâtres d'opérations sont aujourd'hui très éloignés du territoire métropolitain et l'océan reste seul moyen d'y intervenir rapidement et en toute liberté, en s'affranchissant notamment des autorisations nécessaires au franchissement des espaces aériens. A ce titre, l'emploi du porte-avions ou des missiles de croisière qui seront embarqués sur les futurs Barracuda et FREMM paraissent plus que jamais essentiels à la crédibilité militaire de la France sur la scène internationale. Les opérations les plus récentes, comme l'Irak et l'Afghanistan, ont d'ailleurs démontré que la majorité des frappes venaient de la mer (aviation embarquée et missiles de croisière) et que l'implantation de bases à proximité de l'action nécessitait de longs mois, incompatibles avec la nécessité d'engager rapidement les opérations. La marine constitue donc une incomparable force de dissuasion (nucléaire ou non) et une sorte de « cavalerie légère », pouvant intervenir immédiatement en attendant le déploiement, plus lent, des forces lourdes. « La marine se trouve maintenant et sans doute pour la première fois de son histoire au premier plan de la puissance guerrière de la France et ce sera, dans l'avenir, tous les jours un peu plus vrai », disait en 1965 Charles de Gaulle. Et c'est d'ailleurs le général qu'Hervé Morin a cité pour conclure son discours prononcé le 21 mai à bord de la Jeanne d'Arc : « La France sans une grande marine ne saurait rester la France », a-t-il dit devant l'équipage. De fait, malgré les coupes sombres dans le budget, la Marine nationale reste une grande flotte, du moins au sens qualitatif du terme. Mais l'équilibre est fragile et le grain budgétaire qui s'annonce pourrait amener une nouvelle tempête dont les marins, avec leur petit mais performant navire, espèrent ne pas sortir en trop mauvais état.
Vue du futur Barracuda (© : DCNS)
Des programmes calculés au plus juste
Ces dernières années, tous les nouveaux programmes ont été calculés au plus juste. « Il n'y a pas de gras », aiment à dire les marins en privé - car ils ne sont pas du genre à réclamer. Ils s'adaptent. Mais cette adaptation a ses limites. Quatre SNLE, c'est le minimum pour avoir la certitude d'assurer en permanence l'« assurance vie » qu'offre au pays la dissuasion nucléaire. Six SNA, c'est aussi la taille critique en dessous de laquelle la marine ne sera plus en mesure d'assurer toutes les missions qui lui sont aujourd'hui confiées et de former le vivier de sous-mariniers qui permet de disposer des compétences nécessaires à la mise en oeuvre des SNLE. La protection de ces bâtiments nécessite aussi de disposer d'importants moyens navals et aériens (frégates, chasseurs de mines, hélicoptères de lutte anti-sous-marine, avions de patrouille maritime), également chargés de protéger le groupe aéronaval et les groupes amphibies chargés de déployer les unités de l'armée de Terre par la mer. Pour ces derniers, c'est le porte-avions et son groupe aérien embarqué, qui assure une bulle de protection et une capacité de frappe ou de soutien.
SNLE et frégate ASM (© : MARINE NATIONALE)
Avion de patrouille maritime (© : MARINE NATIONALE)
SEM survolant le Charles de Gaulle (© : MARINE NATIONALE)
Rafale au catapultage (© : MARINE NATIONALE)
Débarquement à partir du Mistral (© : JEAN-LOUIS VENNE)
Débarquement à partir du Mistral (© : JEAN-LOUIS VENNE)
Frégate ASM et FDA (© : MARINE NATIONALE)
Ravitaillement à la mer (© : MARINE NATIONALE)
Neutralisation d'une mine (© : MARINE NATIONALE)
Pour protéger le porte-avions, il faut des frégates de défense aérienne (FDA) et de lutte ASM performantes, ainsi qu'un SNA pour contrer un ennemi venu des profondeurs (capacité d'autant plus importantes que les sous-marins prolifèrent actuellement). Pour permettre à l'ensemble de ces forces de se déployer loin et longtemps, une flotte logistique est évidemment nécessaire. Combustible, munitions, vivres, pièces de rechange... Cette composante de l'ombre est tout aussi vitale pour assurer le succès des opérations. Il ne faut pas, non plus, oublier la force de guerre des mines, qui assure la sauvegarde des chenaux d'accès empruntés par les SNLE, tout en veillant à dépolluer les plages de débarquement ou les détroits stratégiques par où transitent les navires de commerce approvisionnant les ports et raffineries françaises. Mises en oeuvre depuis frégates, sous-marins ou moyens aériens, les forces spéciales, ont, enfin un rôle déterminant en termes de renseignement, de préparation des zones d'intervention ou d'actions ciblées.
Commando marine (© : MARINE NATIONALE)
La marine est donc un édifice dont chaque composante constitue un pilier. Interdépendants et complémentaires, les équipements, et tout aussi importants les savoir-faire, sont étroitement imbriqués, de manière à faire fonctionner correctement l'ensemble de la machine. Aujourd'hui, celle-ci tourne avec des moyens peu nombreux, parfois même à la limite de la rupture capacitaire, mais encore suffisants pour assurer une cohérence d'ensemble (en dehors de la capacité « porte-avions » qui est indisponible lors des arrêts techniques du Charles de Gaulle) en tenant compte des immobilisations liées à la maintenance. En revanche, compte tenu des rationalisations déjà effectuées précédemment, toute réduction dans certaines composantes, comme les frégates et les sous-marins, aboutirait aujourd'hui à fragiliser l'édifice, entrainant inévitablement, à certains moments, l'incapacité de mener certaines missions, y compris les plus importantes. Tel un jeu de Mikado dont le placement des baguettes ne doit rien au hasard, la flotte française a subi depuis 20 ans, au gré des coupes budgétaires, le retrait des éléments les moins vitaux. Désormais, elle tient en équilibre mais il ne faudrait pas, en retirant quelques baguettes supplémentaires, que la construction finisse par s'effondrer.
Interception de narcotrafiquants (© : MARINE NATIONALE)
Action de l'Etat en mer : Mettre à contribution les autres ministères
Malgré tout, les marins le savent bien : ils devront, comme leurs camarades de l'Air et de Terre, contribuer aux efforts. Car leur statut de « bons élèves » en matière de rationalisation, reconnu plusieurs fois par les services de l'Etat, ne les en dispensera pas. Concernant les grands programmes, aucune marge de manoeuvre n'est aujourd'hui disponible sans mettre en péril la cohérence d'ensemble. Si le pouvoir politique choisit cette voie, il devra alors faire des choix potentiellement lourds de conséquences. Plus raisonnablement, des gains peuvent sans doute être encore réalisés dans le fonctionnement de l'institution, notamment dans ses services administratifs et au niveau du soutien. Cette logique est déjà mise en oeuvre dans le cadre de la réduction d'effectifs prévue par le Livre Blanc. Mais il ne faut pas se faire d'illusions, les économies n'atteindront pas des sommes astronomiques. Puisqu'il faut faire des choix, les yeux se tournent donc vers les activités de la flotte, à classer par ordre de priorité.
La frégate Prairial en Polynésie (© : MARINE NATIONALE)
Aux fonctions purement « guerrières », la marine doit également répondre au développement de missions qui ne sont pas purement militaires. De Saint-Pierre et Miquelon à la Polynésie, en passant par les Antilles, le canal du Mozambique, les terres australes et antarctiques et bien entendu les eaux métropolitaines... Sur les 11 millions de kilomètres carrés de sa zone économique exclusive française, la seconde du monde par son ampleur, la flotte doit veiller à la protection de ressources naturelles dont la raréfaction générale dans les prochaines décennies suscitera de plus en plus de convoitises. Dans le même temps, la marine doit mobiliser de plus en plus de moyens pour lutter contre le narcotrafic qui, dans les Antilles, en Atlantique et en Méditerranée, passe par la mer avant d'irriguer les grands « marchés », à commencer par l'Europe.
Un bateau de clandestins en Méditerranée (© : MARINE NATIONALE)
Sauvetage du MSC Napoli, en 2007 (© : MARINE NATIONALE)
Lutte contre la pollution (© : MARINE NATIONALE)
Evacuation d'un passager sur un paquebot (© : MARINE NATIONALE)
Que dire aussi de la pression croissante de l'immigration clandestine et de ces milliers de candidats à l'exil tentant de traverser la Méditerranée pour atteindre l'Eldorado européen ? Et du secours en mer, qui nécessite la mobilisation de moyens conséquents pour recueillir des milliers de personnes au large de nos côtes et porter assistance à des navires en difficulté, afin d'éviter des naufrages et de potentiel désastres écologiques ? On évoquera aussi la participation régulière des bâtiments à des opérations d'assistance aux populations suite à des catastrophes naturelles, comme récemment en Haïti (tremblement de terre) et en Polynésie (cyclone Tomas). Dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint, la marine a-t-elle encore les moyens d'assumer seule ces missions ? La réponse sonne aujourd'hui comme une évidence pour les militaires, qui souhaitent concentrer les moyens sur leur mission première : La défense. Il convient donc, notamment dans le cadre de la montée en puissance de la fonction garde-côtes, de voir comment les autres ministères pourraient épauler financièrement la marine et financer les équipements liés à la lutte contre le narcotrafic, l'immigration clandestine, la police des pêches ou encore le sauvetage en mer. Ainsi, les ministères de l'Ecologie, de l'Economie, de l'Intérieur ou encore de l'Immigration vont, sans doute, être invités à participer aux efforts financiers pour des missions qui, naturellement, relèvent de leurs compétences. Il y a sans doute, dans ce cadre, le moyen de soulager sensiblement le budget dédié aux moyens navals.
Interception d'un palangrier en pêche illicite (© : MARINE NATIONALE)
De la justesse des arbitrages
Pour conclure, il ne s'agit pas d'effectuer un plaidoyer en faveur de la marine mais, simplement, d'ouvrir les yeux sur quelques vérités. Celles-ci échappent parfois à une opinion publique et un pouvoir politique qui, depuis l'époque napoléonienne, ont une vision très « terrienne » de la géostratégie. Loin des yeux, loin du coeur ou de l'esprit, les enjeux maritimes sont peut-être diffus, mais plus que jamais essentiels. L'outil de défense doit en tenir compte. Soldats, aviateurs et marins offrent des capacités complémentaires, permettant au pouvoir politique de défendre les intérêts du pays et de faire valoir la position de la France dans le monde. Armée de Terre, Armée de l'Air et Marine nationale sont toutes les trois indispensables et doivent bénéficier des investissements nécessaires à la poursuite de leurs missions et à l'évolution des menaces. Dans cette perspective, il est du devoir de l'Etat de concilier ambitions et capacités financières. Un arbitrage qui ne doit pas se faire à la faveur des lobbies, mais bien dans l'intérêt de la France et des Français.
(© : MARINE NATIONALE)
Super Etendard avec un avion ravitailleur (© : MARINE NATIONALE)
Vers une nouvelle guerre de tranchées entre les armées ?
Le ministre estime que les armées tricolores doivent « conserver (leurs) capacités » car « l'outil de défense touche, sur le long terme, à la souveraineté » et à l'existence même de la France comme grande puissance. Seulement voilà, au-delà des ambitions, il faut faire face à une réalité budgétaire et donc à des choix, qui s'annoncent difficiles. Indiquant que le cap serait « fixé par le président de la République », Hervé Morin n'a donné aucune précision. Questionné par la rédaction de Mer et Marine sur d'éventuelles menaces sur les grands programmes, comme Barracuda (sous-marins) et FREMM (frégates), le ministre a simplement répondu : « Bien sûr qu'ils pourront être maintenus ! ». Maintenus certes, mais dans leur format actuel ? Pas de réponse...
Une fois de plus, les marins vont sans doute devoir se battre pour conforter des programmes considérés comme « vitaux » pour assurer les missions de la flotte française, à commencer par la dissuasion nucléaire et la projection de puissance. Mais ils ne seront pas les seuls à monter au front et, à ce jeu là, le match se jouera sans doute à couteaux tirés avec l'armée de l'Air et l'armée de Terre. Alors que la première défend ses Rafale, ses A400 M ou encore ses ravitailleurs, la seconde éprouve un besoin urgent de renouveler ses équipements, notamment en véhicules et en hélicoptères.
Hélicoptère Tigre sur le Mistral (© : MARINE NATIONALE)
Etalement de programmes et réduction des cibles
Comme à chaque période de choix budgétaires, des concessions devront sans doute être effectuées par chacun. Généralement, la recette est toujours la même : Etalement des programmes et/ou réduction de cibles, c'est-à-dire diminution du nombre d'unités réalisées. La première solution, à laquelle l'Etat a pratiquement systématiquement recours, n'a qu'un seul « avantage » : reporter à plus tard les dépenses. Mais il ne s'agit là que d'une mesure à court terme car, dans les faits, elle se traduit toujours par des surcoûts significatifs. L'étalement des programmes dans le temps entraine, ainsi, une augmentation du prix unitaire des équipements, sans compter les surcoûts liés au maintien en service d'unités vieillissantes (voire hors d'âge) nécessitant toujours plus d'entretien et de réparations. Les finances publiques se privent, de plus, des gains générés par la mise en service rapide de nouveaux matériels optimisés. Pour la marine, outre la maintenance réduite, les nouvelles plateformes, grâce à une automatisation poussée, permettent de diminuer significativement les équipages, qui représentent actuellement 40% du coût de fonctionnement d'un navire.
L'Aquitaine, tête de série du programme FREMM (© : DCNS)
La réduction des formats d'origine constitue, elle aussi, la « vrai fausse bonne idée ». Car, là encore, les surcoûts sont importants. Le dernier exemple en date concerne FREMM. Fin 2005, ce programme était annoncé à 6.5 milliards d'euros pour 17 frégates. Après une réduction de la cible à seulement 11 unités et une baisse de la cadence de production, la facture finale est, aujourd'hui, estimée à 7.8 milliards d'euros selon les chiffres du ministère de la Défense ! Certes, la série comprendra deux bâtiments en version antiaérienne (FREDA), non prévus à l'origine. Mais les modifications nécessaires à ces deux navires (adaptation du système de combat, radar plus puissant et embarquement de missiles Aster 30) ne justifient pas un tel écart de prix. C'est bien la réduction des gains liés à l'effet de série et à une cadence de production élevée qui aboutira à une note encore plus salée pour le contribuable. Et, les 9 avisos n'étant finalement pas remplacés par des FREMM, il faudra, de plus, financer une nouvelle série de patrouilleurs hauturiers, qui viendront encore alourdir le poids économique d'une décision parfaitement contreproductive à long terme.
Avions du groupe aérien embarqué (© : MARINE NATIONALE)
Une flotte déjà rationalisée
Dans la perspective d'une éventuelle réduction d'unités sur les nouveaux programmes, la marine n'est malheureusement plus très riche et ses marges de manoeuvre sont des plus limitées. Ces 15 dernière années, la Rue Royale a eu la bonne (ou la mauvaise) idée de rationaliser fortement ses moyens. A tous les niveaux, les effectifs ont été considérablement réduits. La marine ne compte plus que 2 bases navales principales en métropole (Toulon et Brest) et 6 bases d'aéronautique navale, desquelles il faudra soustraire Nîmes-Garons, qui doit fermer l'an prochain. L'exemple de l'aéronautique navale, avec seulement 6700 hommes pour une flotte de 211 aéronefs, illustre parfaitement cette politique, qui voit l'institution parvenir à remplir ses missions avec un minimum de moyens. Ainsi, le parc de Rafale Marine, qui devait initialement comprendre plus de 80 avions, n'est plus fixé aujourd'hui qu'à 60 appareils, juste de quoi assurer un groupe aérien embarqué tout en prenant en compte les missions de formation, les périodes de maintenance et les pertes éventuelles. De même, les Lynx et Super Frelon, au nombre de 41 en 2004, ne seront remplacés que par 27 HH90 pour assurer les missions de lutte anti-sous-marine et antinavire, le transport opérationnel et le sauvetage en mer.
Sous-marin du type Rubis (© : MARINE NATIONALE)
Il en est de même pour la flotte sous-marine, réduite de 6 à 4 sous-marins nucléaires lanceurs d'engins après la chute du mur de Berlin et à 6 sous-marins d'attaque (contre 16 en 1989 et 10 en 1996). La flotte de surface n'a pas été épargnée, passant de 44 porte-avions, croiseurs, frégates, avisos-escorteurs et avisos à 34 unités, ou plutôt 25 car les 9 avisos ont été reclassés en patrouilleurs. Quant à la composante aéronavale, elle attend toujours le feu vert pour la construction d'un second porte-avions, seul moyen d'assurer une disponibilité permanente du groupe aéronaval à la mer. Bien qu'il s'agisse du seul outil permettant de projeter un groupe aérien n'importe où dans le monde en un temps très bref et que son coût demeure objectivement faible (2.5 à 3 milliards d'euros sur 7 ans) au regard des dépenses d'équipements du ministère (plus de 15 milliards d'euros chaque année), la construction du bâtiment, hautement symbolique, demeure en suspens.
Groupe aéronaval (© : MARINE NATIONALE)
« La France sans une grande marine ne saurait rester la France »
Et pourtant, les enjeux maritimes n'ont jamais été aussi importants. Alors que plus de 70% du commerce français passe par la mer (dont la totalité des approvisionnements pétroliers), les menaces sur les lignes de communication maritimes se démultiplient. Il y a le terrorisme et la très médiatique piraterie, dont les Français n'ont sans doute pas encore saisi l'ensemble des enjeux. Au-delà de simples prises d'otages, c'est l'économie elle-même qui est directement touchée. La piraterie engendre, en effet, d'importants surcoûts pour les armateurs (assurances, primes, financement d'équipes de protection embarquées) qui peuvent fragiliser le modèle économique des entreprises mais, surtout, sont répercutées sur le prix du transport maritime et, in fine, sur le consommateur et le fameux « panier de la ménagère ». Pour l'heure, l'impact a pu être limité, notamment parce que la baisse du prix du pétrole durant la crise a permis aux compagnies de générer des économies, voire d'effectuer de grands détours pour éviter les zones à risque. Ce contexte ne durera toutefois pas et le renforcement des moyens navals en océan Indien, en attendant que la vraie solution (qui passe par une restauration d'un Etat de droit en Somalie) soit trouvée, constitue la seule parade efficace.
Escorte dans le golfe d'Aden (© : MARINE NATIONALE)
Il y a toutefois plus grave. Même si leurs attaques se démultiplient, les pirates ne sont pas en mesure d'interrompre le trafic maritime. En revanche, l'éclatement de crise, notamment dans la région du golfe Persique, peut aboutir à cette situation, dont les conséquences seraient catastrophiques pour l'économie européenne. Miner le détroit d'Ormuz, par exemple, suffirait à provoquer rapidement une pénurie d'essence. Pour éviter cela, les capacités d'intervention aéronavales sont essentielles, ne serait-ce que pour l'effet de dissuasion qu'elles offrent.
De manière générale, on notera aussi que les théâtres d'opérations sont aujourd'hui très éloignés du territoire métropolitain et l'océan reste seul moyen d'y intervenir rapidement et en toute liberté, en s'affranchissant notamment des autorisations nécessaires au franchissement des espaces aériens. A ce titre, l'emploi du porte-avions ou des missiles de croisière qui seront embarqués sur les futurs Barracuda et FREMM paraissent plus que jamais essentiels à la crédibilité militaire de la France sur la scène internationale. Les opérations les plus récentes, comme l'Irak et l'Afghanistan, ont d'ailleurs démontré que la majorité des frappes venaient de la mer (aviation embarquée et missiles de croisière) et que l'implantation de bases à proximité de l'action nécessitait de longs mois, incompatibles avec la nécessité d'engager rapidement les opérations. La marine constitue donc une incomparable force de dissuasion (nucléaire ou non) et une sorte de « cavalerie légère », pouvant intervenir immédiatement en attendant le déploiement, plus lent, des forces lourdes. « La marine se trouve maintenant et sans doute pour la première fois de son histoire au premier plan de la puissance guerrière de la France et ce sera, dans l'avenir, tous les jours un peu plus vrai », disait en 1965 Charles de Gaulle. Et c'est d'ailleurs le général qu'Hervé Morin a cité pour conclure son discours prononcé le 21 mai à bord de la Jeanne d'Arc : « La France sans une grande marine ne saurait rester la France », a-t-il dit devant l'équipage. De fait, malgré les coupes sombres dans le budget, la Marine nationale reste une grande flotte, du moins au sens qualitatif du terme. Mais l'équilibre est fragile et le grain budgétaire qui s'annonce pourrait amener une nouvelle tempête dont les marins, avec leur petit mais performant navire, espèrent ne pas sortir en trop mauvais état.
Vue du futur Barracuda (© : DCNS)
Des programmes calculés au plus juste
Ces dernières années, tous les nouveaux programmes ont été calculés au plus juste. « Il n'y a pas de gras », aiment à dire les marins en privé - car ils ne sont pas du genre à réclamer. Ils s'adaptent. Mais cette adaptation a ses limites. Quatre SNLE, c'est le minimum pour avoir la certitude d'assurer en permanence l'« assurance vie » qu'offre au pays la dissuasion nucléaire. Six SNA, c'est aussi la taille critique en dessous de laquelle la marine ne sera plus en mesure d'assurer toutes les missions qui lui sont aujourd'hui confiées et de former le vivier de sous-mariniers qui permet de disposer des compétences nécessaires à la mise en oeuvre des SNLE. La protection de ces bâtiments nécessite aussi de disposer d'importants moyens navals et aériens (frégates, chasseurs de mines, hélicoptères de lutte anti-sous-marine, avions de patrouille maritime), également chargés de protéger le groupe aéronaval et les groupes amphibies chargés de déployer les unités de l'armée de Terre par la mer. Pour ces derniers, c'est le porte-avions et son groupe aérien embarqué, qui assure une bulle de protection et une capacité de frappe ou de soutien.
SNLE et frégate ASM (© : MARINE NATIONALE)
Avion de patrouille maritime (© : MARINE NATIONALE)
SEM survolant le Charles de Gaulle (© : MARINE NATIONALE)
Rafale au catapultage (© : MARINE NATIONALE)
Débarquement à partir du Mistral (© : JEAN-LOUIS VENNE)
Débarquement à partir du Mistral (© : JEAN-LOUIS VENNE)
Frégate ASM et FDA (© : MARINE NATIONALE)
Ravitaillement à la mer (© : MARINE NATIONALE)
Neutralisation d'une mine (© : MARINE NATIONALE)
Pour protéger le porte-avions, il faut des frégates de défense aérienne (FDA) et de lutte ASM performantes, ainsi qu'un SNA pour contrer un ennemi venu des profondeurs (capacité d'autant plus importantes que les sous-marins prolifèrent actuellement). Pour permettre à l'ensemble de ces forces de se déployer loin et longtemps, une flotte logistique est évidemment nécessaire. Combustible, munitions, vivres, pièces de rechange... Cette composante de l'ombre est tout aussi vitale pour assurer le succès des opérations. Il ne faut pas, non plus, oublier la force de guerre des mines, qui assure la sauvegarde des chenaux d'accès empruntés par les SNLE, tout en veillant à dépolluer les plages de débarquement ou les détroits stratégiques par où transitent les navires de commerce approvisionnant les ports et raffineries françaises. Mises en oeuvre depuis frégates, sous-marins ou moyens aériens, les forces spéciales, ont, enfin un rôle déterminant en termes de renseignement, de préparation des zones d'intervention ou d'actions ciblées.
Commando marine (© : MARINE NATIONALE)
La marine est donc un édifice dont chaque composante constitue un pilier. Interdépendants et complémentaires, les équipements, et tout aussi importants les savoir-faire, sont étroitement imbriqués, de manière à faire fonctionner correctement l'ensemble de la machine. Aujourd'hui, celle-ci tourne avec des moyens peu nombreux, parfois même à la limite de la rupture capacitaire, mais encore suffisants pour assurer une cohérence d'ensemble (en dehors de la capacité « porte-avions » qui est indisponible lors des arrêts techniques du Charles de Gaulle) en tenant compte des immobilisations liées à la maintenance. En revanche, compte tenu des rationalisations déjà effectuées précédemment, toute réduction dans certaines composantes, comme les frégates et les sous-marins, aboutirait aujourd'hui à fragiliser l'édifice, entrainant inévitablement, à certains moments, l'incapacité de mener certaines missions, y compris les plus importantes. Tel un jeu de Mikado dont le placement des baguettes ne doit rien au hasard, la flotte française a subi depuis 20 ans, au gré des coupes budgétaires, le retrait des éléments les moins vitaux. Désormais, elle tient en équilibre mais il ne faudrait pas, en retirant quelques baguettes supplémentaires, que la construction finisse par s'effondrer.
Interception de narcotrafiquants (© : MARINE NATIONALE)
Action de l'Etat en mer : Mettre à contribution les autres ministères
Malgré tout, les marins le savent bien : ils devront, comme leurs camarades de l'Air et de Terre, contribuer aux efforts. Car leur statut de « bons élèves » en matière de rationalisation, reconnu plusieurs fois par les services de l'Etat, ne les en dispensera pas. Concernant les grands programmes, aucune marge de manoeuvre n'est aujourd'hui disponible sans mettre en péril la cohérence d'ensemble. Si le pouvoir politique choisit cette voie, il devra alors faire des choix potentiellement lourds de conséquences. Plus raisonnablement, des gains peuvent sans doute être encore réalisés dans le fonctionnement de l'institution, notamment dans ses services administratifs et au niveau du soutien. Cette logique est déjà mise en oeuvre dans le cadre de la réduction d'effectifs prévue par le Livre Blanc. Mais il ne faut pas se faire d'illusions, les économies n'atteindront pas des sommes astronomiques. Puisqu'il faut faire des choix, les yeux se tournent donc vers les activités de la flotte, à classer par ordre de priorité.
La frégate Prairial en Polynésie (© : MARINE NATIONALE)
Aux fonctions purement « guerrières », la marine doit également répondre au développement de missions qui ne sont pas purement militaires. De Saint-Pierre et Miquelon à la Polynésie, en passant par les Antilles, le canal du Mozambique, les terres australes et antarctiques et bien entendu les eaux métropolitaines... Sur les 11 millions de kilomètres carrés de sa zone économique exclusive française, la seconde du monde par son ampleur, la flotte doit veiller à la protection de ressources naturelles dont la raréfaction générale dans les prochaines décennies suscitera de plus en plus de convoitises. Dans le même temps, la marine doit mobiliser de plus en plus de moyens pour lutter contre le narcotrafic qui, dans les Antilles, en Atlantique et en Méditerranée, passe par la mer avant d'irriguer les grands « marchés », à commencer par l'Europe.
Un bateau de clandestins en Méditerranée (© : MARINE NATIONALE)
Sauvetage du MSC Napoli, en 2007 (© : MARINE NATIONALE)
Lutte contre la pollution (© : MARINE NATIONALE)
Evacuation d'un passager sur un paquebot (© : MARINE NATIONALE)
Que dire aussi de la pression croissante de l'immigration clandestine et de ces milliers de candidats à l'exil tentant de traverser la Méditerranée pour atteindre l'Eldorado européen ? Et du secours en mer, qui nécessite la mobilisation de moyens conséquents pour recueillir des milliers de personnes au large de nos côtes et porter assistance à des navires en difficulté, afin d'éviter des naufrages et de potentiel désastres écologiques ? On évoquera aussi la participation régulière des bâtiments à des opérations d'assistance aux populations suite à des catastrophes naturelles, comme récemment en Haïti (tremblement de terre) et en Polynésie (cyclone Tomas). Dans un contexte budgétaire de plus en plus contraint, la marine a-t-elle encore les moyens d'assumer seule ces missions ? La réponse sonne aujourd'hui comme une évidence pour les militaires, qui souhaitent concentrer les moyens sur leur mission première : La défense. Il convient donc, notamment dans le cadre de la montée en puissance de la fonction garde-côtes, de voir comment les autres ministères pourraient épauler financièrement la marine et financer les équipements liés à la lutte contre le narcotrafic, l'immigration clandestine, la police des pêches ou encore le sauvetage en mer. Ainsi, les ministères de l'Ecologie, de l'Economie, de l'Intérieur ou encore de l'Immigration vont, sans doute, être invités à participer aux efforts financiers pour des missions qui, naturellement, relèvent de leurs compétences. Il y a sans doute, dans ce cadre, le moyen de soulager sensiblement le budget dédié aux moyens navals.
Interception d'un palangrier en pêche illicite (© : MARINE NATIONALE)
De la justesse des arbitrages
Pour conclure, il ne s'agit pas d'effectuer un plaidoyer en faveur de la marine mais, simplement, d'ouvrir les yeux sur quelques vérités. Celles-ci échappent parfois à une opinion publique et un pouvoir politique qui, depuis l'époque napoléonienne, ont une vision très « terrienne » de la géostratégie. Loin des yeux, loin du coeur ou de l'esprit, les enjeux maritimes sont peut-être diffus, mais plus que jamais essentiels. L'outil de défense doit en tenir compte. Soldats, aviateurs et marins offrent des capacités complémentaires, permettant au pouvoir politique de défendre les intérêts du pays et de faire valoir la position de la France dans le monde. Armée de Terre, Armée de l'Air et Marine nationale sont toutes les trois indispensables et doivent bénéficier des investissements nécessaires à la poursuite de leurs missions et à l'évolution des menaces. Dans cette perspective, il est du devoir de l'Etat de concilier ambitions et capacités financières. Un arbitrage qui ne doit pas se faire à la faveur des lobbies, mais bien dans l'intérêt de la France et des Français.
(© : MARINE NATIONALE)