Navires désarmés : Une flotte bien encombrante
03/09/2007
Plus de 40 navires, dont une trentaine d'un déplacement supérieur à 1000 tonnes : C'est la flotte que devra désarmer, dans les dix prochaines années, la Marine nationale. C'est ainsi un flux d'environ 3 grands navires ou 10 000 tonnes par an à déconstruire pour la marine sans compter les « petits navires » type vedettes. La France ne disposant pas de chantier de démolition capable de traiter un tel travail, le ministère de la Défense et le ministère des Finances avaient imaginé, en 2006, de faire émerger un partenariat avec un chantier indien en vue d'éliminer les vieilles coques. Cette tentative ayant avorté avec l'odyssée malheureuse du Q790, ex-Clemenceau, la marine n'a désormais plus d'autre solution que d'entasser les épaves dans ses ports, en attendant qu'une éventuelle filière de déconstruction voie le jour. En raison des nombreuses contraintes juridiques internationales, européennes et françaises, il y a peu d'avancée dans ce dossier : de véritables musées à flot se créent progressivement, de la Bretagne à la Provence, en passant par la Normandie. Dans la région de Brest, sont ainsi conservés l'ancien porte-avions Clemenceau, le croiseur Colbert, les frégates Duguay Trouin et Aconit, les escorteurs d'escadre Duperré et La Galissonnière, ainsi que des avisos EV Henri, Détroyat et Jean Moulin. A Lorient, l'ancien escorteur d'escadre Bouvet et l'ex-bâtiment de soutien mobile Rhône servent quant à eux de brise-lames. Cherbourg n'est pas non plus épargné, le port militaire accueillant les ex-sous-marins nucléaires lanceurs d'engins Foudroyant, Indomptable, Terrible et Tonnant, pour lesquels seul le démantèlement des installations nucléaires est pour le moment mené mais qui devront, eux aussi, être déconstruits.
Face à l'accumulation des navires désarmés, plusieurs options ont été envisagées, notamment la désignation d'un port spécialement dédié à l'accueil provisoire de ces coques. L'essentiel de la Marine nationale (hors SNLE) ayant progressivement, depuis trente ans, quitté Brest pour Toulon, le choix du grand port breton était initialement privilégié. La base navale dispose en effet de beaucoup de place, alors que des sites de « stockage », comme Landevennec ou Lanvéoc, se situent à proximité. Cette solution se heurte néanmoins au peu d'entrain des élus locaux et de la population, peu enclins à voir Brest se transformer en cimetière géant pour bateaux gris. La situation est pourtant précaire à Toulon qui pourrait connaître, dans les toutes prochaines années, une véritable « crise du logement ».
Vers une « crise du logement » dans les ports ?
Dans le port du Var, la liste des gros bâtiments en attente, constituée depuis plusieurs années de deux vieux bâtiments de débarquement de chars (Dives et Argens), de l'aviso-escorteur Commandant Rivière, de la frégate Suffren et du bâtiment de soutien santé Rance, s'est allongée en 2006 et 2007 avec la frégate Duquesne et les transports de chalands de débarquement Ouragan et Orage. Alors que le bâtiment de soutien Bougainville pourrait suivre l'an prochain le même chemin, l'actuelle flotte en service, dont nombre d'unités ont plus de vingt ans, arrivera à bout de potentiel au début de la prochaine décennie. Pour Toulon, il est notamment prévu de désarmer le bâtiment atelier Jules Verne et la frégate Dupleix en 2012, puis le Montcalm (2013) et le Jean de Vienne (2015). Se posera également la question des pétroliers ravitailleurs, dont les deux plus vieux représentants, les Meuse et Var, doivent être désarmés en 2010 et 2012. Ils pourraient être toutefois prolongés, faute de remplaçants. Dans le même temps, les nouveaux navires vont eux aussi prendre de la place, d'autant qu'ils sont généralement nettement plus gros. Après la livraison des bâtiments de projection Mistral et Tonnerre en 2006 et 2007, à peu près aussi encombrant qu'un porte-avions, les deux grandes frégates de la classe Horizon rejoindront la Méditerranée en 2008 et 2009. Elles seront suivies, à compter de 2011, par les frégates de la classe Aquitaine, qui seront livrées au rythme d'une unité tous les 7 mois. Plusieurs projets d'aménagement, notamment de l'îlot Castigneau, sont d'ailleurs à l'étude, afin d'accroître les capacités d'accueil de la base navale.
Brest ne sera pas, non plus, épargné par cette tendance. Le bâtiment de soutien Loire, prévu pour être désarmé en 2008, sera suivi en 2011 par la frégate Tourville puis en 2012 par le De Grasse, sans oublier le Georges Leygues et le porte-hélicoptère Jeanne d'Arc, qui cessera son activité en 2010. Alors que le retrait du service du patrouilleur d'Entrecasteaux pourrait intervenir prochainement, les 9 avisos basés à Brest et à Toulon cesseront leur vie active entre 2013 et 2018. Quant aux 13 chasseurs de mines de la flotte, ils commenceront à être retirés du service à partir de 2013. Enfin, Cherbourg accueillera le sixième et dernier SNLE du type Redoutable, l'Inflexible, dont la dernière patrouille interviendra en 2008. A cette unité il conviendra d'ajouter les six sous-marins nucléaires d'attaque de la classe Rubis, dont la mise au rebut doit commencer au milieu de la prochaine décennie